Une commissaire du Nunavik partage ses inquiétudes sur le travail de la Commission du Nunavik
KUUJJUAQ — Après plus d’une année de réflexion sur la Commission du Nunavik, la commissaire Annie May Popert a fait part de ses inquiétudes à propos du fonctionnement et des recommendations de ce groupe quant à un nouveau gouvernement régional.
“Je me sens très proccupée par notre avenir. J’aimerais que les citoyens du Nunavik soient plus renseignés sur les implications politiques d’un gouvernement pour le Nunavik,” dit-elle. “Nous devons leur laisser savoir qu’il faut être très, très prudents.”
En novembre 1999, cette commission, formée de huit membres, a reçu le mandat de recommander une nouvelle forme de gouvernement régional pour le Nunavik.
Mme. Popert, qui est originaire de Kangiqsualujjuaq, a déjà servi en tant que directrice générale de la Commission Scolaire Kativik. Elle est l’une des trois commissaires inuits au sein de la Commission.
Elle a decidé de rendre publiques ses inquiétudes sur le travail de la Commission à la suite, la semaine dernière, de sa prise de connaissance du contenu du rapport final.
Ce rapport devra être déposé lors de l’assemblée annuelle de la société Makivik au début du mois d’avril à Kuujjuaraapik.
Cette semaine, Mme. Popert a rendu publique une série de lettres qu’elle a adressées à ses collegues de la Commission. Ces lettres datent du mois d’octobre 2000 jusqu’au 24 février et sont addressés aux deux co-directeurs de la Commission, M. Harry Tulugak de Puvirnituq et Me Andre Binette.
Dans sa lettre la plus récente du 24 fevrier Mme. Popert fait un resumé de ses différends avec la Commission.
Elle y relève les points suivants:
• le manque d’échange d’information et de respect pour les divers points de vue à l’intérieur de la Commission;
“Je me suis vite rendue compte qu’une discussion appropriée sur les statuts et les droits des Inuit ou d’autres aspects qui pourraient s’avérer en conflit avec l’agenda souverainiste du Quebec ne seraient pas inclus dans le rapport final.”
• la décision de ne pas regarder la loi 99 et son impact sur les autochtones;
La loi 99 dit que c’est le “peuple québécois” qui possède le droit de s’auto-déterminer et ne donne pas de statut special aux autochtones.
“La loi 99 pourrait profondément détruire la capacité des Inuit à déterminer leur avenir et celui du Nunavik, surtout si le Quebec veut se séparer du Canada… le droit des Inuit et d’autres groupes autochtones de tenir leurs propres référendums pourrait être alors gravement compromis.”
• le manque d’ouverture dans le rapport final de la Commission quant aux implications de la loi 1999 et du décret du gouvernement datant du 4 octobre 1999 qui ne reconnaît la validité de la commission seulement qu’en fonction de l’intégrité des frontières du Québec et que sous l’autorité de l’Assemblée nationale;
• le refus de faire face à l’ingérence politique;
“Lors de notre rencontre en privé du 8 février, j’ai exprimé mes soucis à propos du fait qu’il y avait un ou plusieurs commissaires qui avaient brisé le sceau de la confidentialité en confiant à un ministre du gouvernement que je pourrais bloquer la Commission dans la production d’un rapport basé sur le consensus… ce ministre a par la suite tenté d’influencer le travail de la Commission en encourageant le président de la société Makivik à intervenir dans nos dossiers internes.”
• le traitement injuste des droits partagés avec d’autres nations autochtones;
Mme Popert dit que la Commission ne respecte pas les droits d’autres parties, tel qu’entendu dans l’accord politique du Nunavik. Elle rejette carrément l’idée de créer un forum après la création du gouvernement du Nunavik, forum qui aborderait des sujets d’intérêts mutuels entre les représentants des nations Inuit, Cri et Naskapi ainsi qu’avec les gouvernements fédéral et provincial.
“Cette solution de Me Binette deplace la responsabilité des gouvernements du Canada et du Quebec. À la place, elle crée une situation qui peut engendrer de profondes divisions et des conflits entre les autochtones.”
• le refus de sauvegarder les droits des Inuit en ce qui concerne leur culture et leur langage;
• le manque d’indépendance de la Commission et son rejet des critiques importantes;
“Je pense que la Commission a continuellement violé l’esprit et la lettre de l’accord politique. Elle n’a pas fonctionné de manière raisonnable et honorable comme il est prescrit pour toute commission. En bloquant la discussion démocratique et le libre échange d’idées, la Commission n’a pas rempli les conditions minimums d’opération légitime.”
Par conséquent, Mme. Popert dit qu’elle ne peut pas appuyer le rapport final de la Commission ou ses recommendations.
“Nous avons besoin de servir d’exemple à nos jeunes,” dit-elle.
Selon Mme. Popert, il est important d’agir comme chien de garde des droits du peuple Inuit et c’est pour cette raison qu’elle ne peut pas se taire.
“Les gens m’ont elue commissaire pour veiller à ce que nos droits ne soient pas bafoués durant les déliberations.”
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