Le Nunavik: le temps presse
Nous lisions dans l’hebdomadaire Nunatsiaq News du 23 septembre et le quotidien le Soleil du 4 octobre, qu’un rapport de la commission des droit de la personne et des droits de la jeunesse, toujours confidentiel, démontrait le bien fondé des plaintes qui lui avaient été adressées en 2002, concernant les mauvais traitements dont avaient été victimes un certain nombre d’enfants.
Selon ces deux journaux, le rapport démontre que la négligence, les mauvais traitements, les abus physiques et sexuels représentent un phénomène non généralisé mais important au Nunavik ; plus encore les services de la direction de la protection de la jeunesse ne remplissent pas adéquatement les rôles qui leur sont dévolus par la loi pour les contrer.
Ce rapport devait être disponible en juin 2004. Il n’est pas encore déposé. Qui empêche sa diffusion et pourquoi ? La question mérite d’être posée ?
Combien faudra-t-il de viols de plus, de mauvais traitements, de suicides et de meurtres, d’actes de violence faits aux femmes, et même de mutilations, avant que le gouvernement, la régie régionale, les établissements et les autorités inuits agissent de concert pour s’attaquer à ces problèmes?
Le peuple inuit est très jeune et le taux de natalité très élevé. L’augmentation de cette population crée déjà de très grosses pressions sur le logement. Les personnes âgées ne sont plus abandonnées dans les igloo à la fin de l’hiver pour y mourir de faim ou autrement. Elles doivent demeurer avec leurs enfants, dans des logements déjà occupés à 300 % et 400 %.
Il n’existe aucun programme en santé mentale, les intervenants sociaux inuits et non inuits travaillent avec un minimum d’encadrement à distance, isolés dans les 14 villages du Nunavik.
Aucun programme intégré famille enfance jeunesse n’est en place, supporté par un leadership fort de la part de la régie régionale et de l’équipe de santé publique, ce qui n’empêche pas les intervenants d’entreprendre des actions isolées ; comme on dit là-bas, « we do our best ».
Les supports informatiques en télécommunications sont très inadéquats, alors que les visio-conférences efficaces pourraient être un excellent moyen d’assurer un minimum d’encadrement aux intervenants de ces 14 points de services étalés sur le littoral de la baie d’Ungava, du détroit et de la baie d’Hudson. Les médecins de ces points de services devraient aussi pouvoir compter sur la télé-médecine.
Nous savons de plus qu’un plan stratégique devait être déposé aux autorités inuits et au ministère en mai 2005. Ce plan propose très certainement des pistes de solutions pertinentes. Ce rapport n’est pas encore rendu publique.
Pour ma part, après avoir passé trois mois dans le grand nord, dans une fonction d’adjoint au d.g d’un centre de santé, j’ai pu constater la très grande faiblesse des équipes de direction supérieure, soit que les postes n’étaient pas comblés, soit que les cadres supérieurs passaient une grande partie de leur temps au sud, pour assister à différentes réunions du réseau de la santé. J’ai pu constater de plus le besoin des cadres intermédiaires, des médecins et des employés autant inuits que non-inuits, d’avoir un support administratif et clinique appropriés. J’ai pu constaté aussi combien les femmes inuits travaillaient fort pour améliorer le sort des leurs.
Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé très rapidement et publiquement lorsque vous avez été informé des abus dont étaient victimes quelques bénéficiaires du centre St-Charles-Borromée ; vous avez jugé qu’il pouvait s’agir là de la pointe de l’iceberg de telle sorte que tous les centres d’hébergement pouvaient faire l’objet d’une visite surprise de la part d’une équipe tactique du ministère. Je crois que le grand nord québécois mérite une intervention aussi musclée de votre part.
Je suis d’avis que le territoire du Nunavik devienne progressivement un territoire capable de prendre en main sa destinée. Je crois de plus qu’un plan d’action très bien structuré et un accompagnement sur place, formellement établi, soient convenus entre les parties pour que ce transfert de responsabilités se fasse dans l’harmonie , le respect et la dignité des personnes sans défense, dont les enfants, les femmes et les vieillards.
Il y a déjà plusieurs personnes compétentes qui sont impliquées au nord, il s’y dépense quelque $80,000,000 par année dans le réseau de la santé pour desservir quelque 11,000 personnes. Ce qu’il faut de plus, c’est un leadership fort, imputable et présent au nord, qui s’engage sur la voie du transfert des responsabilités aux autorités inuits, tout en négociant des conditions avec celles-ci pour assurer des services de qualité au peuple inuit en fonction de résultats pré-établis, devant faire l’objet d’un suivi normal et d’une reddition de compte auprès du ministre lui-même.
Je vous remercie de votre attention..
Jean Lavigne
Sociologue
Sherbrook
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