Lucien Bouchard fait ses adieux

Sa démission a pris plusieurs par surprise.

By JANE GEORGE

Suite à la demission inattendue du premier ministre du Quebec, la population du Nunavik en garde quelques bons souvenirs, mais entrevoit un lot de soucis au sujet de son avenir.

Durant son terme, M. Bouchard a porté une attention particulière au Nunavik, surtout à cause de son role stratégique dans le plan souverainiste global.

M. Bouchard fut d’ailleurs le premier chef du gouvernement depuis René Lévesque à visiter la région. En septembre 1997, lors d’une journée exceptionellement chaude et ensoleillée, M. Bouchard s’est rendu à Kangiqsualujjuaq.

Avant de rentrer dans l’école de la communauté, M. Bouchard a pris le temps de saluer la foule de monde qui l’attendait à l’exterieur de l’édifice. Il s’est également arrêté pour parler aux jeunes élèves du secteur français.

M. Bouchard ne pouvait pas savoir à ce moment-là qu’il aurait à se rémemorer de cette journée. Une avalanche détruisit l’école qu’il avait visitée le premier janvier 1999. Le lendemain du désastre il s’empressait d’appeler la mairesse Maggie Emudluk. Elle se souvient d’ailleurs encore de leur conversation.

“Je lui ai dit que l’avalanche avait eu lieu dans le même gymnase qu’il avait visité, et il a exprimé ses plus sincères condoléances.”

Dans la période qui a suivi l’avalanche, Mme. Emudluk dit qu’elle est parvenue à apprécier l’honnetêté de M. Bouchard.

Deux jours après l’avalanche, M. Bouchard s’est rendu sur les lieux pour voir les dommages en personne.

“Il nous a assuré qu’il allait nous aider à retrouver une vie normale, et que ça faisait partie du rôle du gouvernment. A mon opinion, il nous a donné tout le nécessaire,” rajoute-t-elle.

D’après Mme Emudluk, qui est également conseillère au gouvernement regional du Kativik, l’appui de M. Bouchard pour la souverainété n’a pas nui à ses relations avec les Nunavimmiut.

Pita Aatami, le president de la société Makivik, dit aussi avoir reussi à passer à travers le nationalisme de M. Bouchard pour travailler avec lui sur les dossiers importants pour la région.

“Il a compris d’où on venait. Il a compris que nous avons nos propres aspirations, et qu’on pouvait respecter les siennes.”

Aatami avoue toutefois s’etre “rejoui” de la démission de M. Bouchard puisque ça peut finalement mettre fin au mouvement souverainiste.

Mais le départ de M. Bouchard risque aussi de ralentir le projet d’un nouveau gouvernement régional pour le Nunavik.

“Il était derrière le projet et lui accordait beaucoup de credibilité,” dit Paul Bussières, un avocat qui travaille à la Commission du Nunavik. “C’est un dossier qui prend du courage. Les gouvernements sont toujours réticents à faire le premier pas dans un nouveau projet.”

Dans l’allocution qu’il a donnée à Quebec, M. Bouchard a expliqué les raisons de son depart et critiqué l’intolerance et le racisme chez certains militants du Parti Quebecois ainsi que le manque de soutien pour la cause souverainiste dans le grand public.

En même temps Bouchard révélait son épuisement de la vie politique.

“On m’accordera que je n’ai jamais hesité à prendre les problèmes de front et que j’ai toujours voulu faire avancer le Quebec avec la constante préoccupation d’être le premier ministre de toutes les Québécoises et de tous les Québécois…je regrette seulement de ne pas avoir fait mieux et davantage; et surtout de ne pas avoir realisé mon rêve pour notre avenir collectif, pour l’achêvement de la nouvelle nation québécoise. J’y ai mis toute ma passion et toutes mes forces. S’il m’est arrivé de blesser des adversaires ou qui que ce soit, je m’en excuse sincèrement et les assure que ce ne fut jamais par mesquinerie ou par manque de respect.”

Dans son allocution, il a d’ailleurs exprimé son desir de passer plus de temps avec sa femme Audrey et leurs deux fils de 9 et 11 ans.

Mais qu’il soit parti de son poste à cause de la fatigue, de la frustration ou de raisons familiales, une chose est claire: sa démission a pris plusieurs de ses collègues par surprise.

“Je suis étonné par sa decision qui vient deux ans après son élection,” dit Guy St-Julien, membre du Parlement pour la région du Nunavik. “Je pense qu’il s’agit d’une décision personnelle, et qu’il l’a prise pour sa famille. C’est parce que la politique est dûre et qu’il en avait eu assez. Assez c’est assez.”

M. St-Julien a eu la chance de connaître les Bouchard lorsque M. Bouchard et lui etaient tous les deux membres du Parlement pour le parti progréssif conservateur dans le gouvernement de M. Brian Mulroney. Par la suite, M. St-Julien s’est joint au parti Liberal, tandis que M. Bouchard quittait le PC pour fonder le Bloc Québécois.

Mais lors du récent scrutin fédéral, le BQ n’a même pas gagné dans la circonscription de Lac St-Jean d’où vient M. Bouchard. Et cette defaite, suggère M. St-Julien, a demoralisé le premier ministre.

“Ils (les membres du BQ) sont en chute libre, et c’est lui qui a fonde le parti..”

Le départ de M. Bouchard est ressenti aussi au Nunavut. Comme membre du Parlement et plus tard en tant que premier ministre, M. Bouchard a toujours soutenu le projet du nouveau territoire du Nunavut.

“C’etait tres apprécié, ce soutien de la province la plus grande au Canada,” de dire M. Paul Okalik, premier ministre du Nunavut.

M. Okalik a rencontré M. Bouchard lors de la reunion des premiers ministres du Canada qui avait lieu a Quebec en août 1999.

“Il m’a chaleureusement accueilli. Lorsqu’on assiste à ce genre de rencontre pour la premiere fois, on est nerveux. Il a fait de son mieux pour qu’on m’écoute. J’ai vraiment apprécié son soutien.”

Parmi ceux qui peuvent accéder au poste de M. Bouchard, on peut inclure le vice-premier ministre Bernard Landry ainsi que la ministre de la santé Pauline Marois. Tous les deux sont déjà venus au Nunavik.

M. Bouchard restera en fonction jusqu’à ce que les membres du PQ se choississent un autre chef au printemps.

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