M’a dire comme on dit

By NUNATSIAQ NEWS

Par Louis McComber

Le développment durable au Nunavut: plus qu’un v¦u pieux?

Je ne crois pas que l’entreprise privée laissée à elle-même, donc en dehors du contrôle de l’ensemble des citoyens, puisse créer un monde meilleur. Je ne crois pas que la somme de tous les profits des corporations multinationales égale le bien commun.

Je crois au contraire que la nature elle-même n’a plus la force de porter une croissance tout azimut des économies. La nature humaine d’abord qui ne pourra jamais s’accommoder de l’enrichissement personnel comme unique raison de vivre. Par exemple, un fossé infranchissable se creuse de jour en jour entre les pauvres et les riches de la planète, créant des tensions internationales de plus en plus difficiles à gérer.

Mais aussi la nature sauvage qui s’étouffe dans les polluants quand elle n’est pas directement assassinée pour le profit. Déforestation, disparition des poissons de fond, pénurie d’eau potable, désertification, dissémination des polluants dans la chaîne alimentaire, braconnage des espèces menacées. Et quoi encore? L’effet de serre et le réchauffement rapide de la planète.

On a érigé le profit des corporations multinationales en religion de masse. Même le Canada, pays supposément bon enfant, a fait volte face quant à ses engagements pris à la Conférence de Rio sur l’environnement. Ralph Klein et surtout l’industrie pétrolière de l’Alberta n’étaient pas intéressés. Les simplistes slogans électoraux des libéraux fédéraux du genre… des jobs…. des jobs… auront eu raison des bonnes intentions de la majorité des Canadiens.

On dirait que les universitaires se taisent et consacrent plutôt leurs recherches à des intérêts immédiatement utilitaires, toujours à la merci de leurs bailleurs de fond privés au fur et à mesure que l’État coupe ses programmes de subventions à la recherche.

Les politiciens s’investissent dans de coûteuses campagnes de crédibilité personnelle, mais très peu questionnent sur la place publique la course suicidaire des complexes industriels vers la destruction des écosystèmes et des équilibres humains. Avez-vous entendu Georges Bush Jr lancer sa course à la présidence des Etats-Unis? « J’aime les Etats-Unis, a-t-il déclaré, j’aime les Américains et je suis fier d’être américain! » Quel formidable programme politique!

Il faut un effort de la conscience pour comprendre ce qui se passe vraiment en cette fin de siècle, quand la plupart des médias nous racontent à tous les jours que tout est sous contrôle et que si tu t’achetais de la gomme balloune rouge au lieu de la bleue tu serais beaucoup plus heureux en amour.

Je ne raconte pas ça pour faire un sermon sur la fin du millénaire, mais parce que ce type de développement économique dominant dans le reste du monde affecte et affectera quotidiennement les régions nordiques. C’est dans ce contexte de démission des pouvoirs publics devant les grands intérêts du secteur privé qu’il est important de situer la création du Nunavut.

La question à se poser, c’est en quoi la grande entreprise peut-elle avoir besoin d’un territoire où n’existe pratiquement aucune forme d’autosuffisance économique et où l’absence désolante d’un système d’éducation adapté et performant fait que la majorité des habitants risquent d’être exclus des grands débats qui les concernent?

L’exploitation des richesses naturelles fait partie de la réponse. Mais qui va payer pour le nettoyage des sites quand le minerai sera épuisé où que son prix se sera effondré sur les marchés internationaux? Qui va payer pour le nettoyage de la mine Faro au Yukon ou celui de la mine Giant à Yellowknife? Patate chaude. Inévitablement le payeur de taxe, quand la compagnie devient insolvable

On a vu le gouvernement Tobin à Terre-Neuve réviser à la baisse ses exigences par rapport aux deux multinationales de l’industrie minière au Labrador, l’Iron Ore et Inco. Que pourra gagner le gouvernement du Nunavut dans de semblables négociations?

Une autre partie de la réponse pourrait bien être l’enfouissement de déchets toxiques ou nucléaires qui sont la rançon du développement industriel. Aucune province n’est intéressée à accumuler ça dans sa cour et deux millions de kilomètres carrés où n’habitent pas plus de 30 000 personne, ça commence à ressembler à un désert, très à l’écart de toute région densément peuplée. Tout ça gelé en profondeur dans le pergélisol. Le Groenland s’est déjà penché sur les avantages économiques d’une telle aventure.

Un projet d’usine d’élimination des BCP à Iqaluit comporte certainement des risques pour la population avoisinante. Mais le plus dangereux en acquiesçant à une telle initiative, c’est d’ouvrir la porte à des projets beaucoup plus dommageables à l’habitat nordique.

L’utilisation du terme de développement durable par le gouvernement du Nunavut suppose un développement économique qui ne met pas en danger l’environnement ou la population. Il faudrait voir à ce que ça ne reste pas un v¦u pieux!

mccomber@nunanet.com

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