Comme un chien dans un jeu de quilles

By NUNATSIAQ NEWS

Par Louis McComber

J’espère que vous vous demandiez où j’étais passé. Que vous vous êtes au moins aperçus de la disparition de ma chronique pendant un gros mois. Je faisais un petit test. « Ils me lisent-tu les sacraments? » Des fois je me sens comme un chien dans un jeu de quilles avec ma chronique en français dans le Nunatsiaq. Peut-être un peu comme Daniel Coulombe qui est aussi tout seul avec son show hebdomadaire l’« Onde francophone » à CBC North.

Parce que je le sais que vous travaillez en anglais, que ça parle en anglais chez vous, que vous et vos enfants, vous êtes à 75% déjà assimilés d’après les statistiques. La question que je me posais ces dernières semaines, c’est s’il ne serait pas plus simple d’écrire ma chronique de francophone en anglais. Je suis tanné que mon écriture soit comme poigné dans un ghetto, comme un poisson rouge dans un bocal.

« Hey man…. I can’t understand your XZ$/*XX column… It’s all in KXZ**% French! You should tranlate it in English, man. Think about it!!! » que je me fais régulièrement dire au bureau de poste par des amis inuits.

Si c’est des unilingues anglophones canadiens qui me disent qu’ils ne peuvent pas lire ma chronique, je m’en contresaintciboirise! Qu’ils s’achètent un dictionnaire, que je leur dis. Ils ont tous eu des cours de français pendant au moins quatre ans à l’école secondaire. Il y a des livres en français, des médias francophones, des minorités francophones partout au Canada et s’ils ne sont pas capables de lire 50 lignes en français, c’est parce qu’ils ne veulent rien savoir!

Comment est-ce que vous pensez que je l’ai appris moi l’anglais? En lisant le derrière des boîtes de Nestlé Quick? C’est avec mon dictionnaire… XZ%$**! En voulant comprendre. En faisant rire de moi à douze ans comme aujourd’hui parce que j’utilise pas tout à fait le bon mot pis qu’anyway j’ai un esti d’accent!

« C’est un manque de culture déplorable! » disait le premier ministre français Lionel Jospin, lors de sa dernière visite au Canada, à un journaliste anglophone qui s’excusait de ne pas pouvoir poser sa question en français.

Mais là quand ce sont des Inuits qui me disent qu’ils ne comprennent rien au français, pour moi c’est pas pareil. Ils n’ont pas de cours de français au Nunavut. Sous prétexte qu’ils doivent étudier l’Inuktitut. CBC North, la radio d’État du Canada qui diffuse dans les régions nordiques, n’a qu’une heure par semaine en français à son horaire. Ils relèvent du réseau anglais de Radio-Canada et ne considèrent pas de leur mandat de manifester la dualité linguistique du Canada.

Mais de grâce faites votre job quelqu’un en haut dans les bureaux… Mettez nous en onde le réseau national de la radio de Radio-Canada en français, ploguez RDI, branchez tout le Nunavut sur la télévision nationale en français…faites quelque chose! Prouvez nous qu’on est au Canada ici! Arrangez vous pour que la population du Nunavut ait accès à l’ensemble des possibilités culturelles du pays.

Ça coûte trop cher tout ça? Je parle en idéaliste? Je vas vous en conter une bonne. Savez vous que Nunavut Tourism qui est chargé de faire la promotion des destinations touristiques du Nunavut, évite carrément d’explorer les marchés francophones? Pourquoi? Parce que le Nunavut n’a pas besoin d’argent vous pensez? Mais non! C’est parce que les guides et pourvoyeurs ne parlent pas français et que personne jusqu’ici pense que c’est important!

L’idée des langues officielles du Canada, est-ce que c’est juste une salade bonne pour faire avaler aux québécois et aux Acadiens? C’est pas bon pour le Nord?

« Oui mais ici, c’est l’Inuktitut qui est important… » que certains unilingues anglophones mur à mur me rétorquent comme s’ils venaient de me clouer le bec.

Des nouvelles pour vous autres moi! Surveillez bien le Nunavik. Ils parlent déjà trois langues par là, dont le français qui est en progression rapide. L’Inuktitut n’y est aucunement menacé comme il l’est déjà dans trop de communautés du Nunavut.

Un Canada qui serait capable de générer un territoire inuit où l’Inuktitut va rester bien vivant serait le même Canada qui pourrait reconnaître et apprécier le fait français dans toutes ses provinces et territoires.

Un Canada qui exclut plus ou moins subtilement le fait français, comme c’est le cas dans les Territoires du Nord-Ouest depuis leur création en1870, ne sera jamais capable de respecter une culture minoritaire autochtone ou inuite. Allez parler (en anglais) aux jeunes Dénés de la Vallée du Mackenzie, si vous ne me croyez pas.

Et vous savez comme moi que si ça ne change pas plus vite que ça, la seule place en Amérique dans 20 ans qui va ressembler à ce qu’aurait pu être le Canada, ça pourrait bien être le Québec libre.

mccomber@nunanet.com

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